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Poeme D'amour : Chagrin A'automne

poeme d'amour,

 

Chagrin d'automne.

Sonnet.


Les lignes du labour dans les champs en automne
Fatiguent l'œil, qu'à peine un toit fumant distrait,
Et la voûte du ciel tout entière apparaît,
Bornant d'un cercle nu la plaine monotone.

En des âges perdus dont la vieillesse étonne
Là même a dû grandir une vierge forêt,
Où le chant des oiseaux sonore et pur vibrait,
Avec l'hymne qu'au vent le clair feuillage entonne !

Les poètes chagrins redemandent aux bras
Qui font ce plat désert sous des rayons sans voile
La verte nuit des bois que le soleil étoile ;

Ils pleurent, oubliant, dans leurs soupirs ingrats,
Que des mornes sillons sort le pain qui féconde
Leurs cerveaux, dont le rêve est plus beau que le monde !
 

Chez l'antiquaire.

Sonnet.


Entre mille débris au hasard amassés,
Un Christ en vieil ivoire, exposé dans la rue,
Jette l'adieu suprême à sa foi disparue
Et sent fuir ses genoux infiniment lassés.

En face, une Vénus, gloire des arts passés,
Sort de la draperie à ses flancs retenue,
Naturelle et divine, offrant sa beauté nue,
Sans bras, pareille aux troncs de lierres enlacés.

La Volupté sereine et l'immense Tendresse
Aux passants affairés n'offrent plus de caresse :
L'une a les bras cloués, l'autre a les bras rompus.

L'homme, sans charité, revend ce qu'il achète ;
La femme lui marchande une nuit inquiète :
Les beaux embrassements ne se prodiguent plus.
 

Combats intimes.

Seras-tu de l'amour l'éternelle pâture ?
À quoi te sert la volonté,
Si ce n'est point, ô cœur, pour vaincre ta torture,
Et dans la paix enfin, plus fort que la nature,
T'asseoir sur le désir dompté,

Ainsi qu'un bestiaire, après la lutte, règne
Sur son tigre qui s'est rendu,
Et s'assied sur la bête, et, de son poing qui saigne
La courbant jusqu'à terre, exige qu'elle craigne
Alors même qu'elle a mordu ?

Et comme ce dompteur, seul au fond de la cage,
Ne cherche qu'en soi son appui,
Car nul dans ce péril avec lui ne s'engage,
Et nul ne sait parler le tacite langage
Que le monstre parle avec lui,


Ainsi, dans les combats que le désir te livre,
Ne compte sur personne, ô cœur !
N'attends pas, sous la dent, qu'un autre te délivre !
Tu luttes quelque part où nul ne peut te suivre,
Toujours seul, victime ou vainqueur.
 

Conseil.

Jeune fille, crois-moi, s'il en est temps encore,
Choisis un fiancé joyeux, à l'œil vivant,
Au pas ferme, à la voix sonore,
Qui n'aille pas rêvant.

Sois généreuse, épargne aux cœurs de se méprendre.
Au tien même, imprudente, épargne des regrets,
N'en captive pas un trop tendre,
Tu t'en repentirais.

La nature t'a faite indocile et rieuse,
Crains une âme où la tienne apprendrait le souci,
La tendresse est trop sérieuse,
Trop exigeante aussi.

Un compagnon rêveur attristerait ta vie,
Tu sentirais toujours son ombre à ton côté
Maudire la rumeur d'envie
Où marche ta beauté.

Si, mauvais oiseleur, de ses caresses frêles
Il abaissait sur toi le délicat réseau,
Comme d'un seul petit coup d'ailes
S'affranchirait l'oiseau !

Et tu ne peux savoir tout le bonheur que broie
D'un caprice enfantin le vol brusque et distrait,
Quand il arrache au cœur la proie
Que la lèvre effleurait ;

Quand l'extase, pareille à ces bulles ténues
Qu'un souffle patient et peureux allégea,
S'évanouit si près des nues
Qui s'y miraient déjà.

Sois généreuse, épargne à des songeurs crédules
Ta grâce, et de tes yeux les appels décevants :
Ils chercheraient des crépuscules
Dans ces soleils levants ;

Il leur faut une amie à s'attendrir facile,
Souple à leurs vains soupirs comme aux vents le roseau,
Dont le cœur leur soit un asile
Et les bras un berceau,

Douce, infiniment douce, indulgente aux chimères,
Inépuisable en soins calmants ou réchauffants,
Soins muets comme en ont les mères,
Car ce sont des enfants.

Il leur faut pour témoin dans les heures d'étude,
Une âme qu'autour d'eux ils sentent se poser,
Il leur faut une solitude
Où voltige un baiser

Jeune fille, crois-m'en, cherche qui te ressemble,
Ils sont graves ceux-là, ne choisis aucun d'eux ;
Vous seriez malheureux ensemble
Bien qu'innocents tous deux.
 

Conseil (I).

Sonnet.


Pour vous, enfants, le monde est une nouveauté ;
De leur nid vos vertus, colombes inquiètes,
Regardent en tremblant les printanières fêtes
Et cherchent le secret d'y vivre en sûreté.

Le voici : n'aimez l'or que pour sa pureté ;
N'aimez que la candeur dans vos blanches toilettes ;
Et si vous vous posez au front des violettes,
Aimez la modestie en leur simple beauté.

Qu'ainsi votre parure à vos yeux soit l'emblème
De toutes les vertus qui font la grâce même,
Ce geste aisé du cœur dont le luxe est jaloux ;

Et qu'au retour d'un bal innocemment profane,
Quand vous dépouillerez l'ornement qui se fane,
Rien ne tombe avec lui de ce qui plut en vous.
 

Consolation.

Une enfant de seize ans, belle, et qui, toute franche,
Ouvrant ses yeux, ouvrait son cœur,
S'est inclinée un jour comme une fleur se penche,
Agonisante deux fois blanche
Par l'innocence et la langueur.

Ne parlez plus du monde à sa mère atterrée :
Ce qui n'est pas noir lui déplaît ;
Ah ! l'immense douleur que son amour lui crée
N'est-elle pas aussi sacrée
Qu'un seuil de tombe où l'on se tait ?

Vouloir la détourner de son culte à la morte,
C'est toujours l'en entretenir,
Et la vertu des mots ne peut être assez forte
Pour que leur souffle vide emporte
Le plomb fixe du souvenir.

Mais surtout cachez-lui l'âge de votre fille,
Ses premiers hivers triomphants
Au bal, où chaque mère a sa perle qui brille,
Printemps des nuits où la famille
Fête la beauté des enfants.

Ne soyez, en lavant sa blessure cruelle,
Ni le flatteur des longs regrets,
Ni le froid raisonneur dont l'amitié querelle,
Ni l'avocat de Dieu contre elle
Qui saigne encor de ses décrets.

Mais soyez un écho dans une solitude,
Toujours présent, toujours voilé,
Faites de sa souffrance une invisible étude,
Et si le jour lui semble rude
Montrez-lui le soir étoile.

La nature à son tour par d'invisibles charmes
Forcera la peine au sommeil ;
Un jour on offre aux morts des fleurs au lieu de larmes.
Que de désespoirs tu désarmes,
Silencieux et fort soleil !

Vous ne distrairez pas les malheureuses mères,
Tant qu'elles pleurent leurs enfants ;
Les discours ni le bruit ne les soulagent guères :
Recueillez leurs larmes amères,
Aidez leurs soupirs étouffants :

Il faut que la douleur par les sanglots brisée
Se divise un peu chaque jour,
Et dans les libres pleurs, dissolvante rosée,
Sur le tombeau qui l'a causée
S'épuise par un lent retour.

Alors le désespoir devient tristesse et plie,
Le cœur moins serré s'ouvre un peu ;
Ce nœud qui l'étreignait doucement se délie,
Et l'âme retombe affaiblie,
Mais plus sage et sereine en Dieu.

La douleur se repose, et d'étape en étape
S'éloigne, et, prête à s'envoler,
Hésite au bord du cœur, lève l'aile et s'échappe ;
Le cœur s'indigne... Dieu qui frappe
Use du droit de consoler.

René-François Sully Prudhomme (1839-1907).

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