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Poeme D'amour : Il y a Longtemps

poeme d'amour,

 

Il y a longtemps.

Sonnet.


Vous me donniez le bras, nous causions seuls tous deux,
Et les cœurs de vingt ans se font signe bien vite ;
J'en suis encore ému, fille blonde aux yeux bleus ;
Mais vous souviendrez-vous de ma courte visite ?

Hélas ! se souvient-on d'un souffle parasite
Qui n'a fait que passer pour baiser les cheveux,
Du flot où l'on se mire, et de la marguerite
Confidente éphémère où s'effeuillent les vœux ?

Une image en mon cœur peut périr effacée,
Mais non pas tout entière ; elle y devient pensée.
Je garde la douceur de vos traits disparus.

Que je me suis souvent éloigné, l'œil humide,
Avec l'adieu glacé d'une vierge timide
Que je chéris toujours et ne reverrai plus !
 

Inquiétude.

Sonnet.


Pour elle désormais je veux être si bon,
Si bon, qu'elle se sache aveuglément chérie ;
Je ne lui dirai plus : « Il faut, » mais : « Je t'en prie… »
Et je prendrai les torts, lui laissant le pardon.

Mais quel âpre murmure au fond de moi dit : « Non ! »
Contre un servile amour toute ma fierté crie.
Non ! je veux qu'étant mienne, à ma guise pétrie,
Ce soit elle, et non moi, qui craigne l'abandon.

Tantôt je lui découvre en entier ma faiblesse,
Tantôt, rebelle injuste et jaloux, je la blesse
Et je sens dans mon cœur sourdre la cruauté.

Elle ne comprend pas, et je lui semble infâme.
Oh ! que je serais doux si tu n'étais qu'une âme !
Ce qui me rend méchant, vois-tu, c'est ta beauté.
 

Intus.

Deux voix s'élèvent tour à tour
Des profondeurs troubles de l'âme :
La raison blasphème, et l'amour
Rêve un dieu juste et le proclame.

Panthéiste, athée ou chrétien,
Tu connais leurs luttes obscures ;
C'est mon martyre, et c'est le tien,
De vivre avec ces deux murmures.

L'intelligence dit au cœur :
« Le monde n'a pas un bon père.
Vois, le mal est partout vainqueur. »
Le cœur dit : « Je crois et j'espère.

« Espère, ô ma sœur, crois un peu :
C'est à force d'aimer qu'on trouve ;
Je suis immortel, je sens Dieu. »
— L'intelligence lui dit : « Prouve ! »

Invitation à la valse.

Sonnet.


C'était une amitié simple et pourtant secrète :
J'avais sur sa parure un fraternel pouvoir,
Et quand au seuil d'un bal nous nous trouvions le soir,
J'aimais à l'arrêter devant moi tout prête.

Elle abattait sa jupe en renversant la tête,
Et consultait mes yeux comme un dernier miroir,
Puis elle me glissait un furtif : « Au revoir ! »
Et belle, en souveraine, elle entrait dans la fête.

Je l'y suivais bientôt. Sur un signe connu,
Parmi les mendiants que sa malice affame,
Je m'avançais vers elle et, modeste, ingénu :

« Vous m'avez accordé cette valse, madame ? »
J'avais l'air de prier n'importe quelle femme,
Elle me disait : « Oui », comme au premier venu.

Jaloux du printemps.

Des saisons la plus désirée
Et la plus rapide, ô printemps,
Qu'elle m'est longue, ta durée !
Tu possèdes mon adorée,
Et je l'attends !

Ton azur ne me sourit guère,
C'est en hiver que je la vois ;
Et cette douceur éphémère,
Je ne l'ai dans l'année entière
Rien qu'une fois.

Mon bonheur n'est qu'une étincelle
Volée au bal dans un coup d'œil :
L'hiver passe, et je vis sans elle ;
C'est pourquoi, fête universelle,
Tu m'es un deuil.

J'ai peur de toi quand je la quitte :
Je crains qu'une fleur d'oranger,
Tombant sur son cœur, ne l'invite
À consulter la marguerite,
Et quel danger !

Ce cœur qui ne sait rien encore,
Couvé par tes tendres chaleurs,
Devine et pressent son aurore ;
Il s'ouvre à toi qui fais éclore
Toutes les fleurs.

Ton souffle l'étonne, elle écoute
Les conseils embaumés de l'air ;
C'est l'air de mai que je redoute,
Je sens que je la perdrai toute
Avant l'hiver.
 

Je ne dois plus la voir.

Je ne dois plus la voir jamais,
Mais je vais voir souvent sa mère ;
C'est ma joie, et c'est la dernière,
De respirer où je l'aimais.

Je goûte un peu de sa présence
Dans l'air que sa voix ébranla ;
Il me semble que parler là,
C'est parler d'elle à qui je pense.

Nulle autre chose que ses traits
N'y fixait mon regard avide ;
Mais, depuis que sa chambre est vide,
Que de trésors j'y baiserais !

Le miroir, le livre, l'aiguille,
Et le bénitier près du lit...
Un sommeil léger te remplit,
Ô chambre de la jeune fille !

Quand je regarde bien ces lieux,
Nous y sommes encore ensemble ;
Sa mère parfois lui ressemble
À m'arracher les pleurs des yeux.

Peut-être la croyez-vous morte ?
Non. Le jour où j'ai pris son deuil,
Je n'ai vu de loin ni cercueil
Ni drap tendu devant sa porte.

René-François Sully Prudhomme (1839-1907).



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