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Poeme D'amour : Déclin D'amour

poeme d'amour,

 

Déclin d'amour.

Dans le mortel soupir de l'automne, qui frôle
Au bord du lac les joncs frileux,
Passe un murmure éteint : c'est l'eau triste et le saule
Qui se parlent entre eux.

Le saule : « Je languis, vois ! Ma verdure tombe
Et jonche ton cristal glacé ;
Toi qui fus la compagne, aujourd'hui sois la tombe
De mon printemps passé. »

Il dit. La feuille glisse et va jaunir l'eau brune.
L'eau répond : « Ô mon pâle amant,
Ne laisse pas ainsi tomber une par une
Tes feuilles lentement ;

« Ce baiser me fait mal, autant, je te l'assure,
Que les coups des avirons lourds ;
Le frisson qu'il me donne est comme une blessure
Qui s'élargit toujours.

« Ce n'est qu'un point d'abord, puis un cercle qui tremble
Et qui grandit, multiplié ;
Et les fleurs de mes bords sentent toutes ensemble
Un sanglot à leur pied.

« Que ce tressaillement rare et long me tourmente !
Pourquoi m'oublier peu à peu ?
Secoue en une fois, cruel, sur ton amante
Tous tes baisers d'adieu ! »
 

Défaillance et scrupule.

I.

Mon besoin de songe et de fable,
La soif malheureuse que j'ai
De quelque autre vie ineffable,
Me laisse tout découragé.

Quand d'un beau vouloir je m'avise,
Je me répète en vain : « Je veux. »
— « À quoi bon ? » répond la devise
Qui rend stériles tous les voeux.

À quoi bon nos miettes d'automne ?
Si la plèbe veut s'assouvir ;
Ou nos rêves d'état sans trône ?
S'il plaît au peuple de servir.

À quoi bon rapprendre la guerre ?
S'il faut toujours qu'elle ait pour but
Le gain menteur, cher au vulgaire,
D'une auréole et d'un tribut.

À quoi bon la lente science ?
Si l'homme ne peut entrevoir,
Après tant d'âpre patience,
Que les bornes de son savoir.

À quoi bon l'amour ? Si l'on aime
Pour propager un cœur souffrant,
Le cœur humain, toujours le même
Sous le costume différent.

À quoi bon, si la terre est ronde,
Notre infinie avidité ?
On est si vite au bout d'un monde,
Quand il n'est pas illimité !

Or ma soif est celle de l'homme ;
Je n'ai pas de désir moyen,
Il me faut l'élite et la somme,
Il me faut le souverain bien !

II.

Ainsi mon orgueil dissimule
Les défaillances de ma foi,
Mais je sens bientôt un scrupule
Qui s'élève et murmure en moi :

Mon fier désespoir n'est peut-être
Qu'une excuse à ne point agir,
Et, comme au fond je me sens traître,
Un prétexte à n'en point rougir,

Un dédain paresseux qui ruse
Avec la rigueur du devoir,
Et de l'idéal même abuse
Pour me dispenser de vouloir.

Parce que la terre est bornée,
N'y faut-il voir qu'une prison,
Et faillir à la destinée
Qu'embrasse et clôt son horizon ?

Parce que l'amour perpétue
La vie et ses âpres combats,
Vaudra-t-il mieux qu'Adam se tue
Et qu'Athènes n'existe pas ?

Parce que la science est brève
Et le mystère illimité,
Faut-il lui préférer le rêve
Ou la complète cécité ?

Parce que la guerre nous lasse,
Faut-il, par mépris des plus forts,
Tendant la gorge au coup de grâce,
Leur fumer nos champs de nos corps ?

Parce que la force nombreuse
Appelle droit son bon plaisir,
Songe creux le savoir qui creuse,
Et l'art qui plane : vain loisir,

Faut-il laisser cette sauvage
Brûler les œuvres des neuf soeurs
Pour venger l'antique esclavage
Nourricier des premiers penseurs ?

Ah ! Faut-il que de la justice
Et de l'amour, désespérant,
Le cœur déçu se rapetisse
Dans un exil indifférent ?

Non, toute la phalange auguste
Des créateurs doit pour ses dieux,
Qui sont le vrai, le beau, le juste,
Combattre en dessillant les yeux,

Et du temple où chaque âge apporte
Le fruit sacré de ses efforts,
Ouvrir à deux battants la porte,
En défendre à mort les trésors !
 

De loin.

Du bonheur qu'ils rêvaient toujours pur et nouveau
Les couples exaucés ne jouissent qu'une heure.
Moins ému, leur baiser ne sourit ni ne pleure ;
Le nid de leur tendresse en devient le tombeau.

Puisque l'œil assouvi se fatigue du beau,
Que la lèvre en jurant un long culte se leurre,
Que des printemps d'amour le lis, dès qu'on l'effleure,
Où vont les autres lis va lambeau par lambeau,

J'accepte le tourment de vivre éloigné d'elle.
Mon hommage muet, mais aussi plus fidèle,
D'aucune lassitude en mon cœur n'est puni ;

Posant sur sa beauté mon respect comme un voile,
Je l'aime sans désir, comme on aime une étoile,
Avec le sentiment qu'elle est à l'infini.
 

Dernière solitude.

Dans cette mascarade immense des vivants
Nul ne parle à son gré ni ne marche à sa guise ;
Faite pour révéler, la parole déguise,
Et la face n'est plus qu'un masque aux traits savants.

Mais vient l'heure où le corps, infidèle ministre,
Ne prête plus son geste à l'âme éparse au loin,
Et, tombant tout à coup dans un repos sinistre,
Cesse d'être complice et demeure témoin.

Alors l'obscur essaim des arrière-pensées,
Qu'avait su refouler la force du vouloir,
Se lève et plane au front comme un nuage noir
Où gît le vrai motif des œuvres commencées ;

Le cœur monte au visage, où les plis anxieux
Ne se confondent plus aux lignes du sourire ;
Le regard ne peut plus faire mentir les yeux,
Et ce qu'on n'a pas dit vient aux lèvres s'écrire.

C'est l'heure des aveux. Le cadavre ingénu
Garde du souffle absent une empreinte suprême,
Et l'homme, malgré lui redevenant lui-même,
Devient un étranger pour ceux qui l'ont connu.

Le rire des plus gais se détend et s'attriste,
Les plus graves parfois prennent des traits riants ;
Chacun meurt comme il est, sincère à l'improviste :
C'est la candeur des morts qui les rend effrayants.
 

Dernières vacances.

Sonnet.


Heureux l'enfant qui meurt dans sa septième année
Avant l'âge où le cœur doit saigner pour jouir ;
Qui meurt de défaillance, en regardant bleuir
Sous les orangers d'or la Méditerranée !

On ne tient plus son âme aux leçons enchaînée,
Et, libre de s'éteindre, il croit s'épanouir.
Plus de maîtres ! c'est lui qui se fait obéir,
Et sa mère est pour lui comme une sœur aînée.

Par sa faiblesse même il fait céder les forts ;
Il prend ce qu'il désire avant qu'on le lui donne,
Et sa pâleur l'absout avant qu'on lui pardonne.

Indocile et choyé, paresseux sans remords,
C'est en suivant des yeux la fuite d'un navire
Qu'un soir, pendant qu'il rêve un voyage, il expire.
 

Distraction.

À mon insu, j'ai dit : « Ma chère »
Pour « Madame », et, parti du cœur,
Ce nom m'a fait d'une étrangère
Une sœur.

Quand la femme est tendre, pour elle
Le seul vrai gage de l'amour,
C'est la constance naturelle,
Non la cour ;

Ce n'est pas le mot qu'on hasarde,
Et qu'on sauve s'il s'est trompé,
C'est le mot simple, par mégarde
Échappé...

Ce n'est pas le mot qui soupire,
Mendiant drapé d'un linceul,
C'est ce qu'on dit comme on respire,
Pour soi seul.

Ce n'est pas non plus de se taire,
Taire est encor mentir un peu ;
C'est la parole involontaire,
Non l'aveu.

À mon insu j'ai dit : « Ma chère »
Pour « Madame », et, parti du cœur,
Ce nom m'a fait d'une étrangère
Une sœur.
 

René-François Sully Prudhomme (1839-1907).

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