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Poeme D'amour : Douceur D'avril

poeme d'amour,

 

Douceur d'avril.

À Albert Mérat.


J'ai peur d'avril, peur de l'émoi
Qu'éveille sa douceur touchante ;
Vous qu'elle a troublés comme moi,
C'est pour vous seuls que je la chante.

En décembre, quand l'air est froid,
Le temps brumeux, le jour livide,
Le cœur, moins tendre et plus étroit,
Semble mieux supporter son vide.

Rien de joyeux dans la saison
Ne lui fait sentir qu'il est triste ;
Rien en haut, rien à l'horizon
Ne révèle qu'un ciel existe.

Mais, dès que l'azur se fait voir,
Le cœur s'élargit et se creuse,
Et s'ouvre pour le recevoir
Dans sa profondeur douloureuse ;

Et ce bleu qui lui rit de loin,
L'attirant sans jamais descendre,
Lui donne l'infini besoin
D'un essor impossible à prendre.

Le bonheur candide et serein
Qui s'exhale de toutes choses,
L'oppresse, et son premier chagrin
Rajeunit à l'odeur des roses.

Il sent, dans un réveil confus,
Les anciennes ardeurs revivre,
Et les mêmes anciens refus
Le repousser dès qu'il s'y livre.

J'ai peur d'avril, peur de l'émoi
Qu'éveille sa douceur touchante ;
Vous qu'elle a troublés comme moi,
C'est pour vous seuls que je la chante.
 

Éclaircie.

Quand on est sous l'enchantement
D'une faveur d'amour nouvelle,
On s'en défendrait vainement,
Tout le révèle :

Comme fuit l'or entre les doigts,
Le trop-plein de bonheur qu'on sème,
Par le regard, le pas, la voix,
Crie : elle m'aime !

Quelque chose d'aérien
Allège et soulève la vie,
Plus rien ne fait peine, et plus rien
Ne fait envie :

Les choses ont des airs contents,
On marche au hasard, l'âme en joie,
Et le visage en même temps
Rit et larmoie ;

On s'oublie, aux yeux étonnés
Des enfants et des philosophes,
En grands gestes désordonnés,
En apostrophes !

La vie est bonne, on la bénit,
On rend justice à la nature !
Jusqu'au rêve de faire un nid
L'on s'aventure...
 

Effet de nuit.

Voyager seul est triste, et j'ai passé la nuit
Dans une étrange hôtellerie.
À la plus vieille chambre un enfant m'a conduit,
De galerie en galerie.

Je me suis étendu sur un grand lit carré
Flanqué de lions héraldiques ;
Un rideau blanc tombait à longs plis, bigarré
Du reflet des vitraux gothiques.

J'étais là, recevant, muet et sans bouger,
Les philtres que la lune envoie,
Quand j'ouïs un murmure, un froissement léger,
Comme fait l'ongle sur la soie ;

Puis comme un battement de fléaux sourds et prompts
Dans des granges très éloignées ;
Puis on eût dit, plus près, le han des bûcherons
Tour à tour lançant leurs cognées ;

Puis un long roulement, un vaste branle-bas,
Pareil au bruit d'un char de tôle
Attelé d'un dragon toujours fumant et las,
Qui souffle à chaque effort d'épaule ;

Puis soudain serpenta dans l'infini du soir
Un sifflement lugubre, intense,
Comme le cri perçant d'une âme au désespoir
En fuite par le vide immense.

Or, c'était un convoi que j'entendais courir
À toute vapeur dans la plaine.
Il passa, laissant loin derrière lui mourir
Son fracas et sa rouge haleine.

Le passage du monstre un moment ébranla
Les carreaux étroits des fenêtres,
Fit geindre un clavecin poudreux qui dormait là
Et frémir des portraits d'ancêtres ;

Sur la tapisserie Actéon tressaillit,
Diane contracta les lèvres ;
Un plâtras détaché du haut du mur faillit
Briser l'horloge de vieux sèvres.

Ce fut tout. Le silence aux voûtes du plafond
Replia lentement son aile,
Et la nuit, arrachée à son rêve profond,
Se redrapa plus solennelle.

Mais mon cœur remué ne se put assoupir :
J'écoutais toujours dans l'espace
Cette course effrénée et ce strident soupir,
Image d'un siècle qui passe.


En avant.

Sonnet.


Il est donc vrai ! la terre est si vieille ! Oh ! raconte
Comment elle a trouvé son solide contour,
Le vaporeux chaos, sa lutte avec le jour,
L'universelle mer, le sol herbeux qui monte,

L'affreux serpent ailé, le pesant mastodonte,
Puis l'air pur, le ciel bleu, la rose, Eve, l'amour,
Le monde entier, qui marche en avant sans retour,
À pas lents et certains que son écorce compte !

Dis-moi surtout, dis-moi qu'il ne s'est point lassé,
Qu'il aspire du fond d'un éternel passé
Au terme indéfini de sa beauté future.

Ô savant curieux, mais dur, qui soulevas
Les langes chauds encor de la vive nature,
Prouve au moins l'Idéal si tu ne le sens pas !
 

En deuil.

C'est en deuil surtout que je l'aime ;
Le noir sied à son front poli,
Et par ce front le chagrin même
Est embelli.

Comme l'ombre le deuil m'attire,
Et c'est mon goût de préférer,
Pour amie, à qui sait sourire
Qui peut pleurer.

J'aime les lèvres en prière ;
J'aime à voir couler les trésors
D'une longue et tendre paupière
Fidèle aux morts,

Vierge, heureux qui sort de la vie
Embaumés de tes pleurs pieux ;
Mais plus heureux qui les essuie :
Il a tes yeux !
 

Enfantillage.

Madame, vous étiez petite,
J'avais douze ans ;
Vous oubliez vos courtisans
Bien vite !

Je ne voyais que vous au jeu
Parmi les autres ;
Mes doigts frôlaient parfois les vôtres
Un peu...

Comme à la première visite
Faite au rosier,
Le papillon sans appuyer
Palpite,

Et de feuille en feuille, hésitant,
S'approche, et n'ose
Monter droit au miel que la rose
Lui tend,

Tremblant de ses premières fièvres,
Mon cœur n'osait
Voler droit, des doigts qu'il baisait,
Aux lèvres.

Je sentais en moi, tour à tour,
Plaisir et peine,
Un mélange d'aise et de gêne :
L'amour.

L'amour à douze ans ! Oui, madame,
Et vous aussi,
N'aviez-vous pas quelque souci
De femme ?

Vous faisiez beaucoup d'embarras,
Très occupée
De votre robe, une poupée
Au bras.

Si j'adorais, trop tôt poète,
Vos petits pieds,
Trop tôt belle, vous me courbiez
La tête.

Nous menâmes si bien, un soir,
Le badinage,
Que nous nous mîmes en ménage,
Pour voir.

Vous parliez de bijoux de noces,
Moi du serment,
Car nous étions différemment
Précoces.

On fit la dînette, on dansa ;
Vous prétendîtes
Qu'il n'est noces proprement dites
Sans ça.

Vous goûtiez la plaisanterie
Tant que bientôt
J'osai vous appeler tout haut :
Chérie,

Et je vous ai (car je rêvais)
Baisé la joue ;
Depuis ce soir-là je ne joue
Jamais.

René-François Sully Prudhomme (1839-1907).

 
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