Poeme d'amour Pour Mon Homme
Ne nous plaignons pas.
Va, ne nous plaignons pas de nos heures d'angoisse.
Un trop facile amour n'est pas sans repentir ;
Le bonheur se flétrit, comme une fleur se froisse
Dès qu'on veut l'incliner vers soi pour la sentir.
Regarde autour de nous ceux qui pleuraient naguère
Les voilà l'un à l'autre, ils se disent heureux,
Mais ils ont à jamais violé le mystère
Qui faisait de l'amour un infini pour eux.
Ils se disent heureux ; mais, dans leurs nuits sans fièvres,
Leurs yeux n'échangent plus les éclairs d'autrefois ;
Déjà sans tressaillir ils se baisent les lèvres,
Et nous, nous frémissons rien qu'en mêlant nos doigts.
Ils se disent heureux, et plus jamais n'éprouvent
Cette vive brûlure et cette oppression
Dont nos cœurs sont saisis quand nos yeux se retrouvent ;
Nous nous sommes toujours une apparition !
Ils se disent heureux, parce qu'ils peuvent vivre
De la même fortune et sous le même toit ;
Mais ils ne sentent plus un cher secret les suivre ;
Ils se disent heureux, et le monde les voit !
Un trop facile amour n'est pas sans repentir ;
Le bonheur se flétrit, comme une fleur se froisse
Dès qu'on veut l'incliner vers soi pour la sentir.
Regarde autour de nous ceux qui pleuraient naguère
Les voilà l'un à l'autre, ils se disent heureux,
Mais ils ont à jamais violé le mystère
Qui faisait de l'amour un infini pour eux.
Ils se disent heureux ; mais, dans leurs nuits sans fièvres,
Leurs yeux n'échangent plus les éclairs d'autrefois ;
Déjà sans tressaillir ils se baisent les lèvres,
Et nous, nous frémissons rien qu'en mêlant nos doigts.
Ils se disent heureux, et plus jamais n'éprouvent
Cette vive brûlure et cette oppression
Dont nos cœurs sont saisis quand nos yeux se retrouvent ;
Nous nous sommes toujours une apparition !
Ils se disent heureux, parce qu'ils peuvent vivre
De la même fortune et sous le même toit ;
Mais ils ne sentent plus un cher secret les suivre ;
Ils se disent heureux, et le monde les voit !
Poeme d'amour Pour Mon Homme
Où vont-ils ?
Sonnet.Ceux qui sont morts d'amour ne montent pas au ciel :
Ils n'auraient plus les soirs, les sentiers, les ravines,
Et ne goûteraient pas, aux demeures divines,
Un miel qui du baiser pût effacer le miel.
Ils ne descendent pas dans l'enfer éternel :
Car ils se sont brûlés aux lèvres purpurines,
Et l'ongle des démons fouille moins les poitrines
Que le doute incurable et le dédain cruel.
Où vont-ils ? Quels plaisirs, quelles douleurs suprêmes
Pour ceux-là, si les cœurs au tombeau sont les mêmes,
Passeront les douleurs et les plaisirs sentis ?
Comme ils ont eu l'enfer et le ciel dans leur vie,
L'infini qu'on redoute et celui qu'on envie,
Ils sont morts jusqu'à l'âme, ils sont anéantis.
Poeme d'amour Pour Mon Homme
Parfums anciens.
À François Coppée.*
Ô senteur suave et modeste
Qu'épanchait le front maternel,
Et dont le souvenir nous reste
Comme un lointain parfum d'autel,
Pure émanation divine
Qui mêlait en moi ta douceur
À la petite senteur fine
Des longues tresses d'une sœur,
Chère odeur, tu t'en es allée
Où sont les parfums de jadis,
Où remonte l'âme exhalée
Des violettes et des lis.
Poeme d'amour Pour Mon Homme
* *
Ô fraîche senteur de la vie
Qu'au temps des premières amours
Un baiser candide a ravie
Au plus délicat des velours,
Loin des lèvres décolorées
Tu t'es enfuie aussi là-bas,
Jusqu'où planent, évaporées,
Les jeunesses des vieux lilas,
Et le cœur, cloué dans l'abîme,
Ne peut suivre, à ta trace uni,
Le voyage épars et sublime
Que tu poursuis dans l'infini.
Poeme d'amour Pour Mon Homme
* * *
Mais ô toi, l'homicide arome
Dont en pleurant nous nous grisons,
Où notre cœur cherchait un baume
Et n'aspira que des poisons,
Ah ! Toi seule, odeur trop aimée
Des cheveux trop noirs et trop lourds,
Tu nous laisses, courte fumée,
Des vestiges brûlant toujours.
Dans les replis où tu te glisses
Tu déposes un marc fatal,
Comme l'âcre odeur des épices
S'incruste aux coins d'un vieux cristal.
Poeme d'amour Pour Mon Homme
* * * *
En tel, dans une eau fraîche et claire,
Le flacon, vainement plongé,
Garde l'âcreté séculaire
De l'essence qui l'a rongé,
Tel, dans la tendresse embaumante
Que verse au cœur, pour l'assainir,
Une fidèle et chaste amante,
Sévit encor ton souvenir.
Ô parfum modeste et suave,
Épanché du front maternel,
Qui lave ce que rien ne lave,
Où donc es-tu, parfum d'autel ?
Poeme d'amour Pour Mon Homme
Passion malheureuse.
J'ai mal placé mon cœur, j'aime l'enfant d'un autre ; Et c'est pour m'exploiter qu'il fait le bon apôtre,
Ce petit traître ! Je le sais.
Sa mère, quand je viens, me devine, et l'appelle,
Sentant que je suis là pour lui plus que pour elle,
Mais elle ne m'en veut jamais.
Le marmot prend alors sa voix flûtée et tendre
(Les enfants ont deux voix) et dit, sans la comprendre,
Sa fable, avec expression ;
Puis il me fait ranger des soldats sur la table,
Et m'obsède, et je trouve un plaisir ineffable
À sa gentille obsession.
Je m'y laisse duper toutes les fois : j'espère
Qu'à force de bonté je serai presque un père :
Ne dit-il pas qu'il m'aime bien ?
Mais voici tout à coup le vrai père, ô disgrâce !
L'enfant court, bat des mains, lui saute au cou, l'embrasse,
Et le pauvre oncle n'est plus rien.
Poeme d'amour Pour Mon Homme
Pèlerinages.
En souvenir je m'aventure Vers les jours passés où j'aimais,
Pour visiter la sépulture
Des rêves que mon cœur a faits.
Cependant qu'on vieillit sans cesse,
Les amours ont toujours vingt ans,
Jeunes de la fixe jeunesse
Des enfants qu'on pleure longtemps.
Je soulève un peu les paupières
De ces chers et douloureux morts ;
Leurs yeux sont froids comme des pierres
Avec des regards toujours forts.
Leur grâce m'attire et m'oppresse ;
En dépit des ans révolus
Je leur ai gardé ma tendresse ;
Ils ne me reconnaîtraient plus :
J'ai changé d'âme et de visage ;
Ils redoutent l'adieu moqueur
Que font les hommes de mon âge
Aux premiers rêves de leur cœur,
Et moi, plein de pitié, j'hésite,
J'ai peur qu'en se posant sur eux
Mon baiser ne les ressuscite :
Ils ont été trop malheureux.
Poeme d'amour Pour Mon Homme
Pensée perdue.
Elle est si douce, la pensée, Qu'il faut, pour en sentir l'attrait,
D'une vision commencée
S'éveiller tout à coup distrait.
Le cœur dépouillé la réclame ;
Il ne la fait point revenir,
Et cependant elle est dans l'âme,
Et l'on mourrait pour la finir.
À quoi pensais-je tout à l'heure ?
À quel beau songe évanoui
Dois-je les larmes que je pleure ?
Il m'a laissé tout ébloui.
Et ce bonheur d'une seconde,
Nul effort ne me l'a rendu ;
Je n'ai goûté de joie au monde
Qu'en rêve, et mon rêve est perdu.
Poeme d'amour Pour Mon Homme
Peur d'avare.
Soudain je t'ai si fort pressée Pour sentir ton cœur bien à moi,
Que je t'en ai presque blessée,
Et tu m'as demandé pourquoi.
Un mot, un rien, m'a tout à l'heure
Fait étreindre ainsi mon trésor,
Comme, au moindre vent qui l'effleure,
L'avare en hâte étreint son or ;
La porte de sa cave est sûre,
Il en tient dans son poing la clé,
Mais, par le trou de la serrure,
Un filet d'air froid a soufflé ;
Et pendant qu'il comptait dans l'ombre
Son trésor écu par écu,
Savourant le titre et le nombre,
Il a senti le souffle aigu !
Il serre en vain sa clé chérie,
Vainement il s'est verrouillé,
Avant d'y réfléchir il crie
Comme s'il était dépouillé !
C'est que l'instinct fait sentinelle,
C'est que l'âme du possesseur
N'ose jamais plier qu'une aile,
Ô ma sainte amie, ô ma sœur !
C'est que ma richesse tardive,
Fruit de mes soupirs quotidiens,
Me semble encore fugitive
Au moment même où je la tiens !
Et cette épargne que j'amasse
A beau grandir en sûreté,
Je crois, au moindre vent qui passe,
Qu'un ravisseur a fureté...
Et je fais aussitôt l'épreuve
De tout le deuil qui peut tenir
Dans une âme absolument veuve
Où l'amour n'a plus d'avenir.
Alors je tremble et te supplie
D'un anxieux et long regard...
Oh ! Pardonne-moi la folie
De trembler encore ; si tard !
Hélas ! L'habitude en est prise :
Tu n'as que si tard deviné
Combien le doute martyrise,
Impérissable une fois né.
Dans l'âge (qui n'est plus le nôtre)
Où bat le cœur à découvert,
Le mien, plus exposé qu'un autre,
Puisqu'il t'aimait, a plus souffert ;
Ah ! Tout cœur où l'amour habite
Recèle un pouvoir de souffrir
Dont il ignore la limite,
Tant qu'il souffre sans en mourir ;
Et j'ignorais, naïf encore,
Combien le calice est profond
Que ta main douce emmielle et dore
Sans jamais en montrer le fond ;
Car tu savais, déjà coquette,
Ménager longtemps la douleur
En faisant, d'un coup de baguette,
Naître un mirage dans un pleur.
Que de froideurs instantanées
Ont ébranlé longtemps ma foi !
Enfin la pente des années
T'a fait pencher le front sur moi,
Et j'ai cru que ma jalousie,
Humble tigresse aux reins ployés,
Bien rompue à ta fantaisie,
Dormait de fatigue à tes pieds ;
Voilà pourtant qu'une pensée,
Moins qu'un soupçon, moins qu'une erreur,
— Une rêverie insensée
M'a fait tressaillir de terreur ;
Cet éclair de peur indicible
Tout à coup m'a fait entrevoir,
Aux obscurs confins du possible,
Un abîme de désespoir.